ACCUEILLIR LES EMOTIONS
Accueillir les émotions ? D’accord. De toutes les façons, on ne parle plus que de ça. Mais concrètement, on fait comment ? Déjà que ce n’est pas facile d’accueillir nos propres émotions alors ceux des autres ! Eh bien, justement, une fois de plus, nos enfants sont nos guides et ils nous aident à toucher de plus près ce qu’est une émotion intense et comment l’accueillir. Ils nous offrent de nombreuses occasions de pratiquer cet accueil. Ils ne nous jugent pas sur nos tentatives. Ils savent que nous les aimons.
7h du matin, je me réveille péniblement. Besoin de temps pour moi, besoin d’informations, je me suis couchée tard. Résultat, le réveil est difficile… Alors je gagne un peu de temps je m’allonge près de mes enfants encore endormis pour les câliner.
Ma fille est retournée à l’école hier et il y avait un mélange de joie et d’autres émotions moins agréables. En rentrant elle avait pleuré à chaudes larmes.
Ce matin, elle me montre comment elle peut se réveiller vite. Je l’encourage à prendre le temps de s’étirer tranquillement. Mais, très rapidement ses émotions jaillissent comme si elles aussi venaient de se réveiller. Et les mots partent dans tout les sens. Il y a d’abord cette sortie au bord de l’eau qui est annulée. La maîtresse avait prévu une sortie dans la nature et voulait leur présenter les abeilles. La maîtresse a parlé de la reporter mais quand ? Les enfants vivent dans le présent. “Plus tard”, cela ressemble à “jamais.” Il y a ensuite la fête de fin d’année, elle aussi annulée. D’un coup, elle crie que cette fête est ce qu’elle préfère par dessus tout à l’école. Alors que hier encore, elle me disait que, rester avec les parents c’était bien un moment mais que c’était vraiment super de pouvoir retourner à l’école. Là, elle n’a plus envie d’y aller…
Déjà 7h10. A l’intérieur je commence à m’inquiéter. Je reste près d’elle, la câline mais très rapidement elle me fait comprendre qu’elle veut que je lui parle.
Accueillir les émotions
Je comprends pourquoi. Je verbalise ce qu’elle ressent à l’intérieur et cela l’éclaire et lui permet de comprendre ce qui se passe à l’intérieur d’elle. Cela me semble évident : je vois de la colère et un sentiment d’injustice. Et en tant qu’adulte, je me dis que ce n’est pas bien grave. Mais, pour elle, c’est un brouillard sans nom qui l’envahit de toutes parts et surtout dans lequel elle se sent mal. Mes mots sont les suivants : “Tu es tellement triste parce que la sortie de la fin de l’année est annulée ? Et tu es tellement triste parce qu’il n’y aura pas de fête de fin d’année à l’école ? Tu as le souvenir de cette fête de fin d’année de l’an passé et c’était un moment tellement joyeux pour toi. Et tu trouves aussi que tout ceci est très injuste ? C’est tellement important pour vous les enfants ces moments de fête de partage et là, ça te semble tellement injuste ?”
Allongée sur son lit la tête dans l’oreiller, elle écoute. Être entendue apaise tellement. Si j’arrête de parler, elle crie : “parle”.
Je vois l’heure qui tourne. Je sens bien qu’il est encore trop tôt pour lui faire part de mon inquiétude sur le fait d’arriver en retard, mais j’y pense. Et puis j’ai l’impression qu’on a fait le tour.
La réaction habituelle : proposer des solutions
Et d’un coup, quelque chose de plus intense encore sort avec force et dans les sanglots. “On a rien fait à l’école hier et elle [la maîtresse] ne nous a même pas donné de travail !” Je lui explique que, sans doute, la maîtresse avait souhaité prendre un temps d’accueil prolongé pour que chaque enfant partage ce qu’il avait vécu pendant le confinement. Un temps d’écoute de vos émotions c’est important. Elle redit qu’elle n’a pas eu travail. Je lui répond “très bien, alors nous allons lui en demander”. Là, je ne suis plus dans l’écoute empathique, je propose des solutions et je vois bien la différence. Elle ne veut pas une solution.
Accueillir les émotions de l’enfant et découvrir son besoin
Des choses essayent de s’exprimer. Et ça sort : “Je suis la plus petite de la classe et quand la maîtresse me donne plus de travail je me sens un petit peu fière mais juste un petit peu. Sinon, je suis toute seule.”
Je sais que ma fille est appréciée et qu’elle a des amies mais je ne cherche pas à la convaincre. Je comprends que je raterais la cible. J’écoute ce qu’elle ressent car ce qu’elle ressent est vrai puisque c’est ce qu’elle ressent. Alors je reformule à nouveau : “Tu te sens seule. A la fois, tu es contente de retrouver tes amis et à la fois tu te sens seule. Et tu aimes quand la maîtresse te donne du travail parce que ça t’aide à te sentir un petit peu fière ?” Réponse : Oui. De mon côté, je comprends enfin pourquoi elle aime tant faire le travail de la maîtresse : le besoin d’estime de soi. Elle a trouvé une stratégie. Déjà à cinq ans !?! D’autres enfants feront le clown toute la journée en classe pour faire rire les copains et c’est le moyen qu’ils auront trouvé pour faire grandir leur estime de soi. Et finalement le besoin est le même. Intéressant.
Son petit frère arrive et lui dit qu’il n’aime pas quand elle est en colère. Il va chercher son petit piano électrique et lui joue quelques notes en lui disant que la musique ça chasse la colère. La colère et le sentiment d’injustice se sont transformés en tristesse ; les larmes peuvent enfin couler.
Par le passé, on a jamais réussi à être à 8h à l’école et là, si on est en retard les portes seront fermées… Prochaine possibilité : neuf heures. Ça ne m’arrange pas du tout.
Accueillir nos émotions et partager notre besoin
C’est là que je choisis de faire part également de mon besoin. Tout de suite me vient en tête un livre fantastique que ma fille aime beaucoup. Le secret d’Hugo de Fanny Rondelet. Je lui explique que, comme dans l’histoire d’Hugo, je me trouve comme la maîtresse qui a très envie d’écouter son problème et, EN MEME TEMPS, c’est la fin de la récréation et elle doit faire rentrer les enfants en classe. Elle voudrait trouver une solution pour que les besoins de chacun soient satisfaits. Je lui dis que ce qu’elle m’explique est très important et que j’ai vraiment envie de pouvoir l’écouter et EN MEME TEMPS l’heure tourne et je voudrais qu’elle ait le temps de petit déjeuner avant d’aller à l’école. Je lui demande si elle serait d’accord qu’on se prépare et que on en reparle encore cet après-midi. Elle est d’accord. Je sens que le temps d’écoute active a été suffisant. Elle choisit une tenue pendant que je prépare le petit.
Je suis vraiment heureuse d’avoir pu pratiquer cette écoute avec empathie. Une vraie connexion était là entre nous, hors du temps. Et cette connexion a travaillé pour nous deux. J’ai réussi à rester calme et à l’écoute et la magie a opéré.
Les questionnements du mental
Un peu plus tard, alors que la situation est apaisée, je veux savoir si ma fille s’est vraiment retrouvée seule hier à l’école. “Mais est-ce que tu as joué avec ton amie à la récréation ?” Elle me répond que oui, que son amie a joué avec elle mais qu’elle n’a pas beaucoup parlé. Je suis rassurée mais je suis surtout contente de ne pas avoir cherché à lui démontrer qu’elle n’avait pas été seule à l’école hier. Car c’est vraiment son émotion qui comptait. On peut être entouré de plusieurs personnes et se sentir seul.
Et enfin, quelques minutes plus tard, elle me dit textuellement que, comme je l’ai écouté, elle se sent un peu plus légère et qu’elle est d’accord d’aller à l’école. Elle fait tout pour que la fin de la préparation se passe au mieux. Nous arrivons à l’heure à l’école !!! J’ai une joie immense et souhaite vous la partager. Ce sont ces petites victoires qu’il convient de noter quelque part dans notre tête ou sur un papier et de relire les fois où ce sera plus difficile.
Notre réaction habituelle
A d’autres moments, je me serais laissée envahir moi aussi par mes émotions. Le stress d’arriver en retard. Le découragement que le temps passé avec ma fille ne soit “jamais” suffisant pour la combler… Et lorsqu’elle se serait mise en colère, ma communication aurait été la suivante. “Écoute ma chérie, hier tu m’as dit que tout s’était très bien passé que tu étais contente de retrouver tes amis . Je ne comprends pas. Je t’ai laissé dormir un peu plus, du coup, là on n’a vraiment pas le temps pour ça, on risque d’être en retard et ça m’embête.” Moi, moi, moi. Aucune empathie, aucune écoute et surtout de bien faibles chances pour que la préparation se passe bien et que l’on arrive à l’heure…
Écoute empathique => magie !
Je vous invite à partager cet article si vous l’avez apprécié et qu’il vous donne envie d’accueillir les émotions de vos enfants différemment.
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Surtout ne me croyez pas, expérimentez !
4 commentaires
Patrick
Bonjour. Merci pour cette démonstration d’empathie et de communication non violente. Cette article montre bien que c’est possible. Beaucoup de personnes que je forme pensent qu’ils auront du mal à changer leur mode de communication. Mais en lisant ce témoignage, ça à l’air simple !
Pour compléter, j’aimerais rappeler que ce mode de communication emphatique se développe surtout parce qu’on a constaté les effets bénéfiques sur le développement de l’enfant. Les neurosciences, par exemple, ont mis en évidence le rôle de l’empathie des parents sur l’évolution du cerveau du petit.
Les parents empathiques permettent à l’enfant à réguler ses émotions par lui-même en lui apportant une présence et non une solution. On a montré que ces enfants réussissent mieux leur scolarité, sont plus populaires, ont de meilleures relations avec leurs parents et sont moins sujets aux addiction à l’adolescence.
J’ai écrit un article sur le sujet : https://aubonheurdesenfants.fr/etre-un-parent-a-qui-lenfant-parle/
merci en tout cas pour cette article que je partagerai avec les parents dans mes prochaines formations.
Fabienne
Bonjour Patrick,
Merci beaucoup pour ce partage. Ton article est très inspirant. On voit bien l’effet à moyen et long terme que l’écoute empathique peut avoir sur la relation avec notre enfant. Et il arrive aussi que l’on oublie de se donner à soi même de l’empathie. Il y a des ressources sur ce thème dans mon bonus. A bientôt.
efi
Hello Fabienne ! Il est top ton article… Savoir comment accueillir ses émotions est vraiment la base d’une bonne communication intérieure et ça nous aide à appréhender celle des autres. Mais c’est hyper compliqué je trouve de mettre des mots sur certaines émotions. Avant de comprendre les émotions de nos enfants, il faut déjà comprendre comment nous les ressentir, les identifier et apprendre à les « gérer ». J’ai bien aimé la référence du livre aussi, as-tu une liste de livres pour enfants/parents pour apprendre à gérer ses émotions ?
Perso, j’ai lu les 4 accords toltèques et ce livre m’a beaucoup aidé à relativiser et être un peu plus en paix, en harmonie avec mes émotions.
Belle journée à toi,
Efi du blog http://www.mamanzerodechet.com
Fabienne
Merci Efi pour ce commentaire. Je partage complètement ton point de vue. Accueillir les émotions de nos enfants nous renvoie immédiatement à nos propres émotions. Tu trouveras des ressources sur les sentiments et les besoins dans mon bonus : Comment en finir avec les tensions et cesser de culpabiliser ? A bientôt.