TOUCHE PAS A MON ZIZI !!! VIOLENCES SEXUELLES SUR LES ENFANTS
«Touche pô à mon zizi !!!» : c’est ainsi que Titeuf, le célèbre personnage de Philippe Chappuis dit “Zep”, fait fuir son agresseur et renverse la situation. L’homme se carapate, rouge de honte, alors que le sentiment de honte est souvent endossé à tord par la victime. Quelle est en France la situation sur les violences sexuelles sur les enfants et comment échanger sur le sujet avec nos jeunes enfants pour mieux les protéger ?
1. Violences sexuelles sur les enfants : les statistiques
Les chiffres de violences sexuelles faites aux enfants sont effarants. En France, nous avons très peu de chiffres et pas d’enquête de victimation directe auprès des enfants, mais à partir de celles faites auprès d’adultes qui rapportent les violences subies dans leur enfance, on peut estimer que chaque année, près de 130 000 filles et 35 000 garçons sont violés chaque année, une fille sur 5 et un garçon sur 13 ont subis des agressions sexuelles et des viols (enquête Contexte de la Sexualité en France (CSF), 2008 ; Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) 2012-2017), 6% des Français déclarent avoir été victimes d’inceste, une proportion qui monte à 9% chez les femmes, soit 4 millions de français, 27% des français connaissent au moins une victime d’inceste dans leur entourage (sondage AIVI/Harris Interactive, 2015). Toujours en France, 81% des violences sexuelles sont subies avant 18 ans, 51% avant 11 ans et 21% avant 6 ans (enquête nationale Impact des Violences Sexuelles de l’Enfance à l’âge Adulte (IVSEA), 2015) et 60% des viols sont subis par des mineurs (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) 2012-2017).
Filles et garçons sont touchés. 80 % des violences sexuelles faites aux moins de 10 ans sont commises par des proches. Cela concerne tous les milieux sociaux…
Chaque année, 20 000 mineurs portent plainte pour violence sexuelle. Beaucoup d’autres ont peur et se taisent. La très grande majorité des enfants victimes de violences ne sont jamais protégés, ni reconnus (c’est le cas pour 83% des enfants victimes de violences sexuelles, IVSEA, 2015). Ils n’ont que rarement accès à la justice et à des réparations. Leurs traumatismes psychiques à l’origine des très lourdes conséquences sur leur développement psycho-moteurs et cognitif, leurs comportements et leur santé à long terme, ne sont presque jamais pris en charge.
2. Violences sexuelles sur les enfants : l’approche juridique
Certains éléments de ce paragraphe sont extraits de l’essai de Muriel Salmona, psychiatre, “Protéger les enfants des violences sexuelles est un impératif : avant 15 ans un enfant n’est jamais consentant à des actes sexuels avec un adulte”. Autre source, Le Monde, 27.11.2018.
En France, le code pénal ne fixe pas pour les mineurs de seuil d’âge en dessous duquel toute atteinte sexuelle commise par un adulte est une agression sexuelle ou un viol.
Pour être considérée par la justice comme des viols, la violence, la contrainte, la menace et la surprise doivent être caractérisées.
Ainsi, l’appréciation de la violence, de la menace, de la contrainte physique ou morale et de la surprise, ainsi que du discernement et du consentement des enfants est donc laissée aux juridictions quel que soit l’âge de l’enfant, quels que soient ses handicaps, sa vulnérabilité et la présence de troubles de la conscience, quels que soient le contexte (inceste, personnes ayant autorité, atteintes à la dignité) et quels que soient les graves troubles psychotraumatiques présentés par l’enfant (sidération, dissociation, choc traumatique).
Il n’était donc pas rare que pour celles et ceux qui se tournent vers la justice, la loi échouait à protéger des enfants victimes de violences sexuelles, à punir leurs agresseurs et à reconnaître la gravité des préjudices subis.
Depuis, la loi Schiappa contre les violences sexuelles et sexistes, adoptée en août 2018, précise que lorsque les faits sont commis sur un mineur, jusqu’à 15 ans, « la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes ». Néanmoins, elle ne présente toujours pas un seuil d’âge pour protéger les enfants de viols. Il n’existe pas de “présomption de non consentement”.
Muriel Salmona déclare,
« On reste dans une situation où l’on va pouvoir encore rechercher le consentement de l’enfant. Ce que nous voulions, c’est que soit reconnu qu’une pénétration sexuelle sur un enfant de moins de 15 ans est une violence en soi. »
A titre de comparaison, en Suisse, la notion d’agression sexuelle recouvre généralement la dimension de non-consentement du mineur. Dans le cas d’agressions sexuelles sur mineurs et dès lors que la différence d’âge excède trois ans entre les deux protagonistes, le consentement ne peut être pris en compte. Cette interdiction par la loi de tout contact sexuel ou activité sexuelle entre des individus distants de plus de trois ans disparaît à la majorité sexuelle, soit à 16 ans.
3. Violences sexuelles sur les enfants : le comportement des enfants
Malheureusement, pour les enfants, souvent c’est le SILENCE. Les parents pensent pouvoir déceler un changement de comportement chez leurs enfants mais les adultes qui témoignent, souvent beaucoup plus tard, disent que leurs parents n’ont rien vu.
Les associations d’aide aux victimes d’agressions sexuelles travaillent le plus souvent avec ces adultes qui ont été victimes alors qu’ils étaient mineurs. Le Centre thérapeutique traumatismes agressions sexuelles (CTAS) explique que, bien souvent, en tant qu’enfants, ils ont eu honte ou qu’on a les traités de menteurs.
Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi on ne remarque rien
- L’enfant a peur : on menace de faire du mal à quelqu’un qu’il aime s’il parle.
- Le jeune aime profondément son agresseur (parent, proche de la famille) et ne veut pas qu’il lui arrive du mal.
- Le sujet est tabou et l’enfant ne sait pas comment l’aborder.
- Le jeune croit qu’il est responsable, qu’il a encouragé le comportement de l’agresseur, il se sent coupable.
- L’entourage n’est pas réceptif, ou encore ferme les yeux sur une pratique qui semble évidente aux yeux de l’enfant.
- Les proches pensent toujours que ça arrive chez les autres, chez les familles à problème, dans un milieu social moins élevé…
- Les parents pensent que les changements de comportements sont causés par autre chose : séparation ou divorce, deuil, crise d’adolescence.
L’article, les signes d’agression sexuelle chez l’enfant, détaille les signes qu’il ne faut jamais négligé et que faire en cas de doute.
Exemples de conséquences psychologiques immédiates chez les enfants agressés sexuellement
- État de choc
- Peur
- Anxiété, nervosité
- Sentiment de culpabilité
- Symptômes de stress post-traumatique
- Déni
- Confusion
- Retrait, isolement
- Deuil
Les symptômes de stress post-traumatique, la détresse psychologique et les comportements sexuels problématiques sont les conséquences de l’agression sexuelle qui sont le plus observées chez les enfants. L’événement s’est traduit par une peur intense, par un sentiment d‘impuissance ou par un sentiment d’horreur. Et sans soins et traitements adaptés, les enfants mettent en place, tout au long de leur vie, des stratégies de survie hors norme pour s’anesthésier émotionnellement.
Pour aller plus loin dans la compréhension, l’article de l’institut national de santé publique du Québec détaille les conséquences d’une agression sexuelles sur un enfant.
Absence de repères consensuels éducatifs sur les jeux sexuels
Le silence des enfants peut également s’expliquer dans certains cas d’abus sexuel. Et on doit ici distinguer abus sexuel et agression sexuelle.
En effet, le problème de la définition de l’agression est que, parfois, les enfants ne sont pas sûrs eux-mêmes de savoir si l’expérience est une agression ou non car l’expérience commence souvent par un jeu où la « victime » est au début un participant volontaire. L’expérience tourne ensuite à l’abus – que nous différencions ici de l’agression – mais l’enfant peut se sentir responsable d’avoir choisi de commencer. Cela est d’autant plus vrai que l’éducation sexuelle de l’enfant n’a pas été faite et qu’ils n’ont pas de mots pour se représenter l’expérience.
4. Violences sexuelles sur les enfants : comment réagir en tant que parent ?
La prévention
Même s’ils nous mettent mal à l’aise, il faut aborder ces sujets avec nos jeunes, en utilisant des mots qu’ils comprennent, adaptés à leur âge. Bien sûr, tous les parents avisent leurs jeunes de ne pas parler aux inconnus dans la rue et de ne pas accepter de cadeaux ou bonbons de ces personnes. Mais comme les statistiques le démontrent, le danger se trouve souvent dans l’entourage même de l’enfant : proches, membres de la famille, voisins, entraineurs sportifs, ou même professeurs… Dans ce cas, la PREVENTION reste le moyen le plus sûr d’apporter des outils à nos enfants. Voici quelques suggestions non exhaustives que chacun
- Établir un climat de confiance où l’on peut parler de tout.
- Apprendre à l’enfant quels sont les gestes autorisés et les gestes déplacés.
- Lui faire comprendre qu’il a toujours le droit de dire non lorsqu’il ne se sent pas à l’aise de faire quelque chose, même si la personne en face de lui est en position d’autorité. On peut même lui proposer de s’exercer à crier NON et à faire le geste stop avec ses deux mains, bras tendus devant lui.
- Lui dire qu’il doit chercher l’aide de quelqu’un en qui il a confiance s’il ne se sent pas en sécurité avec quelqu’un, même s’il connaît très bien cette personne.
- Lui dire clairement qu’il n’y a pas de secret avec un adulte, s’il s’agit de quelque-chose de bizarre qui s’est passé avec cet adulte.
- Lui apprendre à prendre soin de son corps lui-même et le rendre autonome le plus rapidement possible (toilette, acquisition de la propreté…)
- Lui expliquer que la plupart des adultes souhaitent l’aider à grandir et prendre soin de lui mais que certains sont malades et font des gestes interdits avec les enfants
Bien entendu, inutile de verser dans d’autres extrêmes qui viseraient à limiter les contacts physiques avec les enfants. Ils ont besoin de câlins, de caresses, de tendresse, de massages… et tous ces moyens sont totalement adaptés pour dispenser notre amour. Je renvoi à cet effet à mon article sur les pleurs des enfants.
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Quelques supports de discussion
1. Pour Zep, l’auteur de bandes dessinées, le choix de l’humour est revendiqué. “Il aide à installer le sujet dans le quotidien”. “Dans mes albums, la pédophilie, les agressions sur le net font partie de l’univers de Titeuf. Si l’information est trop allégorique, les enfants ne savent pas de quoi on parle. Et je ne crois pas qu’il faille être dramatique. Dire à des enfants que leur vie va être détruite est terrible. Ils ont une force de résilience incroyable. Plus tôt ils sont pris en charge, plus vite ils se remettront.»
2. Pour Christophe André, psychiatre, psychothérapeute et écrivain s’est fait connaître par son approche laïque et accessible de la méditation, on doit en parler dès le plus jeune âge. Dans la vidéo ci-dessous, afin de nous encourager, il raconte comment il a abordé la question de la pédophilie avec ses filles au moment de leur entrée en maternelle.
3. Toujours pour les plus jeunes, je recommande également les livres de la Doctoresse Catherine Dolto, collection Mine de rien, comme support de discussion pour échanger avec nos enfants : “Filles et Garçons” et “Respecte mon corps”.
4. Il existe des ateliers de formation pour les enfants tels que celui qu’organise Laetitia sur Annecy « Mon corps, je le connais, je le protège« .
5. À l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’enfant le 20 novembre, Bayard Jeunesse a réalisé un livret de prévention : « Stop aux violences sexuelles faites aux enfants », destiné aux 7-13 ans. Les scénettes sont également présentées en vidéo :
Accueillir la révélation
Toujours montrer que l’on croit notre enfant lorsqu’il raconte quelque chose, même si cela nous semble impossible. Si le jeune ment, ce qui peut arriver, il sera facile de le démasquer par la suite, mais s’il dit la vérité et qu’il n’est pas écouté, il restera emmuré dans son silence.
Et, selon le CTAS, si un enfant se confie, il faut seulement dans un premier temps l’écouter. Ne pas lui poser de questions, ne pas lui demander de détails. Cette importante recommandation est au bénéfice de la crédibilité du récit de l’enfant qui sera enregistré lors de l’audition à la Police. Dire à l’enfant qu’il a bien fait de parler, que c’est courageux de sa part et que nous, adultes, allons nous occuper de la situation.
Je vous remercie pour votre lecture sur ce sujet sensible, délicat, révoltant… Un seul mot, parlons-en.
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Parenthèse sur la question des soins au niveau des parties génitales
En périphérie de la question de la prévention, il est intéressant de s’interroger sur le thème du décalottage. A cet effet, il existe presque autant de théorie que de pédiatres, de sages-femmes ou de parents mais je trouve la question très justement abordé par Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau dans son article “Décalottage : un geste à éviter”.
Et s’il vous semble malgré cela important que vos garçons se décalottent, parlez-leur de ce sujet, expliquez-leur pourquoi et proposez-leur qu’ils le fassent eux-mêmes. On a trop souvent tendance à manquer de confiance dans les capacités de nos enfants et on fait tout à leur place alors qu’ils sont largement capables de comprendre et de réaliser les gestes pour prendre soin d’eux-mêmes.
Dans cet état d’esprit, j’ai proposé à mon petit garçon de deux ans et demi dont les bronches étaient bien encombrées de mettre son suppositoire tout seul- Alors que c’est un peu compliqué de le faire allongé sur le ventre et que la motricité fine de ses petites mains est encore en développement, j’ai été surprise de la parfaite exécution. Il me semble que j’ai ainsi participé à le rendre autonome et à respecter sa dignité.
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